La physique du mouvement collectif a été bien étudiée au cours des trente dernières années. Jusqu’à présent, les scientifiques se sont concentrés sur l’étude des mouvements « fluides », tels que les volées d’oiseaux ou les bancs de poissons.
A l’aide d’un ingénieux dispositif expérimental, des chercheurs de l’université d’Amsterdam et du laboratoire Gulliver (ESPCI Paris-PSL/CNRS) ont mis en évidence la possibilité de mouvements collectifs dans des structures élastiques solides. Leurs travaux mettent en lumière le mécanisme et les paramètres qui contrôlent ce soi-disant « actionnement collectif ». Ce travail est publié dans la revue Nature Physics.
La collaboration comprend l’équipe d’Olivier Dauchot, chercheur CNRS, et le groupe d’Amsterdam de Corentin Coulais. L’équipe étudie les mouvements collectifs depuis plusieurs années. Elle s’est d’abord concentrée sur une question simple : comment reproduire les mouvements collectifs observés dans la nature en laboratoire, comme ceux des oiseaux ou des poissons ?
Pour ce faire, l’équipe a mis en place des expériences sur la « matière active », c’est-à-dire la matière dont les entités élémentaires se déplacent de manière autonome : grains qui marchent, gouttes nageuses, mini-robots, etc. – un véritable zoo de systèmes actifs (mais non vivants), avec lesquels ils ont pu reproduire et étudier des mouvements collectifs. Récemment, leurs recherches se sont concentrées sur les phénomènes d’embouteillages lorsque le réseau se densifie. De fluide, le système devient progressivement solide. Le mouvement collectif est-il possible dans un solide actif ?
Des ingrédients simples pour comprendre un système compliqué
« En tant que particules actives, nous avons opté pour les Hexbugs©. Ce sont de petits robots motorisés, que l’on trouve dans les commerces. En tant que matériau élastique solide, nous avons réalisé un réseau de cylindres reliés entre eux par des ressorts. En plaçant un Hexbug dans chacun des cylindres qui composent le réseau, on forme un solide actif », explique Paul Baconnier, qui fait ses recherches de thèse sur ce sujet. Chaque Hexbug déforme le réseau en essayant de se déplacer, tout en subissant les déplacements induits par les efforts de ses voisins.
Remarquablement, il est possible, sous certaines conditions, qu’un mouvement collectif synchronisé émerge de ce bras de fer.
Lorsque le solide actif est simplement posé sur le sol, les Hexbugs s’alignent spontanément et tout le solide commence à se déplacer dans le laboratoire ! Et si on accrochait le solide par ses bords ?
Dans ce cas, un nouveau type de mouvement collectif est observé à l’intérieur du solide : tous les éléments du réseau oscillent de manière périodique et synchronisée autour de leur position d’équilibre. Pour expliquer ce phénomène « d’actionnement collectif », les chercheurs ont fait varier les paramètres de l’expérience, comme la raideur des ressorts ou la forme du réseau.
Ils ont montré que l’actionnement collectif résulte de la combinaison de l’activité des Hexbugs et de l’élasticité des liens du réseau, ce qui permet à la structure de se déformer et à chaque Hexbug de s’orienter en réponse à cette déformation.
L’équipe a modélisé et reproduit numériquement les comportements observés, y compris dans des systèmes de plusieurs milliers d’actifs. Cette activation collective spontanée rappelle les mouvements observés dans certaines dynamiques cellulaires, notamment dans certains tissus cutanés, qui pourraient être mieux compris à la lumière de ces travaux.
La source: Université d’Amsterdam